Rubrique Chronique de Randos

HAUTE MAURIENNE – Village de l’Ecot

Il est de ces endroits qui semblent nicher dans nos racines. C'est au fond d'une vallée savoyarde que se cache le mien, entre le sauvage et la poésie des montagnes. Laissons ensemble les maux du dehors et suivez-moi : l'ultime se trouve au bout du sentier...
L'écot
Illustration de Heyton's
Rubrique Chronique de Randos

HAUTE MAURIENNE – Village de l’Ecot

Il est de ces endroits qui semblent nicher dans nos racines. C'est au fond d'une vallée savoyarde que se cache le mien, entre le sauvage et la poésie des montagnes. Laissons ensemble les maux du dehors et suivez-moi : l'ultime se trouve au bout du sentier...
L'écot
Illustration de Heyton's

Par Geneviève Laudet

Où iriez-vous si la fin du monde était prévue pour demain ?

Sur une île paradisiaque ? Chez vos parents ? Au sommet de l’Everest comme notre aventurier Pierre-Marie ?

Pardonnez cette introduction catastrophiste (ou catastrophique selon le point de vue), mais elle me semblait nécessaire pour vous présenter le lieu décrit dans cet article.

En effet, dans le cas d’une apocalypse imminente, package tornades, astéroïdes et Depardieu au Ministère de la Santé, je sais où je me précipiterai sans regarder en arrière. 

Adieu mes rêves de m’enfuir avec Ryan Gosling en me téléportant dans sa propriété privée (faisant fi des ennuis judiciaires, bien évidemment) ! Si je devais terminer ma petite vie de terrienne inflammable, ce serait au cœur de ma chère Savoie, en Haute Maurienne.

Au fin fond de cette vallée, enclavé entre les montagnes, se trouve le hameau de l’Écot. 

Par le passé, il était impossible d’y accéder autrement qu’à pieds, trimbalant donc vivres et nécessaire de toilette sur son dos. Une petite heure de marche en partant de Bonneval-sur-Arc, en contrebas. Aujourd’hui, une petite route permet d’y monter sans se fatiguer mais j’avoue ne l’avoir quasiment jamais empruntée. Le goût de l’effort ou un certain masochisme, je vous laisse choisir. 

Je remonte fréquemment à l’Écot, autant par besoin d’air que pour revoir mon pays d’origine. (La Savoie est un pays, ne me lancez pas là-dessus, parce que le traité d’annexion par l’Italie a été rendu caduque le jour où…). Hem. Où en étais-je ? Ah oui, l’ultime. 

C’est avec ce mot que j’aime notamment décrire la Haute Maurienne. Contrairement à la basse vallée, les arbres se raréfient et le grès apparaît de plus en plus, nu, gris, immuable. Les étendues herbeuses remplacent les conifères et la lumière devient plus brute, mélange entre pureté et incandescence. Le sentier vers l’Écot en est un bon témoin : il commence dans une petite forêt au bord de l’Arc, la rivière locale, pour ensuite traverser une zone caillouteuse accidentée, puis il se termine dans une ambiance alpages. 

Perché à 2 000 m d’altitude, le hameau lui-même représente bien cet équilibre entre civilisation et nature sauvage. Ici, point de supermarché, de gîtes, ni même de médecin. Agrippées à la pente jusqu’à s’y fondre, les maisons en pierre recouvertes de lauzes (roches plates locales) semblent aussi fières que fragiles au regard des géantes d’à côté. En effet, partout autour, se trouvent les montagnes. Certaines font toile de fond jusqu’à boucher l’horizon, couronnée de neiges éternelles. D’autres sont le théâtre des glaciers des Évettes ou du Grand Méan. 

Bien qu’il abrite quelques foyers en été, l’Écot s’endort complètement en hiver, enseveli sous les épais flocons. Il est toujours possible d’y parvenir mais sans raquettes, je vous déconseille l’expérience.  

Le hameau est aussi le point de départ de sentiers vers quelques refuges invisibles, ultime tentative humaine de dominer les hauteurs. Une promesse de pente rude et de magnificence au cœur du parc national de la Vanoise. 

C’est dans cet écrin d’authenticité que je m’enfuis parfois. Coupée du monde, je m’assieds devant la petite chapelle pour perdre mon regard dans la vallée en contrebas, et je sors un bon bouquin avec une tranche de tomme (on ne se réinvente pas). Souvent, les mots de Paulo Coelho ou de Muriel Barbery prennent ainsi une dimension quasi prophétique, tandis que la brise légère me caresse l’épaule. De temps en temps, je relève les yeux pour les perdre dans le paysage, m’amusant à repérer les petites tâches de couleurs des randonneurs au loin. Profitent-ils aussi de ce magnifique décor ou sont-ils occupés à pester contre le dénivelé ?

Hormis leur amour montagnard, les savoyards sont aussi friands de légendes et d’histoires. Il y a quelques années, un conteur du pays est venu en distribuer quelques-unes dans la salle commune.

Ma préférée reste celle-ci : 

Il était une fois, un jeune berger du village de l’Écot qui partait souvent plusieurs jours avec ses bêtes dans les pâturages au pied des glaciers. 

Une nuit, alors qu’il observait le ciel allongé dans l’herbe, il aperçut la plus belle étoile qu’il ait jamais vue. Elle était nouvelle dans la voie lactée et brillait timidement, mais il sentit son cœur s’emballer et en tomba instantanément amoureux. Il contempla son étoile sans dormir une seule seconde et elle clignota faiblement à plusieurs reprises, comme si elle le regardait aussi en rougissant. 

Au petit matin, elle disparut. Le berger fut envahi par une tristesse indescriptible jusqu’à ce qu’elle réapparaisse la nuit suivante. Comme la veille, ils s’observèrent en silence, lui sur la terre, elle dans le ciel. Jour après jour, il gravit la montagne pour se rapprocher toujours un peu plus de sa douce, emmenant ses moutons toujours plus haut. Chaque soir, il s’asseyait et attendait impatiemment qu’elle pointe le bout de son nez, puis lui racontait sa journée. Il lui semblait qu’elle frémissait de rire parfois, lorsqu’il évoquait une brebis coincée dans un buisson ou qu’il comptait les trous dans ses chaussures. 

Au fil du temps, le cœur du berger ne se contenta plus de ces doux mais fugaces entretiens. Il était impossible au jeune homme de franchir les imprenables glaciers et son étoile lui paraissait toujours trop loin. Le désespoir s’empara de lui. La vie lui paraissait de plus en plus fade et même ses bêtes ne pouvaient le consoler. Abattu, il s’adressa un jour au soleil et l’implora de l’aider. Touché, ce dernier le mit cependant en garde : s’il ne pouvait pas le transformer en étoile, il avait bien une idée mais il n’y aurait pas de retour en arrière possible. Le berger, décidé, donna son accord après avoir renvoyé les moutons au hameau.

Au crépuscule, le dernier rayon du soleil enveloppa le jeune homme qui se sentit changer. Ses bras devinrent des pétales immaculés et duveteux, sa tête une myriade de pistils jaunes, ses jambes une tige élancée. Le soleil ramassa la fleur et la posa sur la plus haute montagne, au plus proche de l’étoile. 

Depuis ce jour, les edelweiss parcourent les sommets de la Haute Maurienne. Chaque nuit, la lumière de la voie lactée se reflète dans celle de cette fleur à la forme similaire. On dit que l’une d’entre elle tend toujours plus haut vers le ciel scintillant, et qu’une étoile en particulier la fait briller plus fort que toutes les autres. 

Voilà venu le temps de vous laisser sur ces jolis mots. Peut-être ferez-vous comme moi et regarderez-vous les edelweiss d’une autre manière…

De mon côté, je vais redescendre la vallée en direction du petit chalet familial, abandonnant derrière moi le hameau de l’Écot. Ce n’est qu’un au revoir, je sais que j’y reviendrai, fin du monde ou pas. Mais pas tout de suite, car pour goûter, Maman a prévu une tarte aux myrtilles. 

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