Rubrique Carnet de Voyage

HIMALAYA – Périple d’un alpiniste savoyard – Partie 1

Suivez les pas d’un amoureux des hauteurs de 65 ans sur les chemins de la chaîne de montagnes la plus connue du monde : l’Himalaya. Bienvenue au royaume des yaks et des neiges éternelles, où “avoir le souffle coupé” n’est pas qu’une expression.
Himalaya 1/2 - Illustration de HeyTon's
Illustration de HeyTon's
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HIMALAYA – Périple d’un alpiniste savoyard – Partie 1

Suivez les pas d’un amoureux des hauteurs de 65 ans sur les chemins de la chaîne de montagnes la plus connue du monde : l’Himalaya. Bienvenue au royaume des yaks et des neiges éternelles, où “avoir le souffle coupé” n’est pas qu’une expression.
Himalaya 1/2 - Illustration de HeyTon's
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Par Geneviève Laudet

Avez-vous déjà rencontré un vrai aventurier ?

Pas du type Indiana Jones avec son chapeau, son fouet et tout le bazar, mais quelqu’un qui fait de sa vie une succession d’objectifs à atteindre.
Quelqu’un pour qui les difficultés sont des obstacles à surmonter, et les échecs, des leçons pour recommencer plus tard. Ce genre de personne qui ne recule devant rien sans négliger la prudence et qu’on retrouvera toujours à s’esquinter les articulations sur les sentiers les plus rudes de ce monde avec un grand sourire. Qui prônera toujours l’émancipation, la liberté et l’adrénaline d’un défi relevé.

Un genre de croisement entre Bear Grylls et un coach de développement personnel, quoi.

Eh bien je n’aurais pas cru que le destin me mettrait sur la route de l’un d’entre eux au détour d’une conversation en soirée chez des amis.
Un apéro chez M. et G., deux des comètes de ma vie, se résumait à peu de choses pourtant essentielles à ma santé mentale : cinquante whiskies différents, des éclats de rire, la playlist « Régression » de Spotify, des blagues douteuses à partir de 23h, beaucoup trop de gressins et un chat-princesse constamment en manque d’affection dans les pattes.

—      Au fait, demain je déjeune chez mes parents, mon père sera rentré de son trek en Himalaya, avait annoncé M., entre deux tartinades houmous-basilic-artichaut-truffe.

J’en avais presque oublié de m’occuper du félin « caresso-dépendant » [Monsieur Larousse, call me] et j’avais balbutié :

—      Ton père ? L’Himalaya ? Il a quel âge ?

—      65 ans pourquoi ?

Ma décision était prise : je voulais faire sa connaissance et en savoir plus sur son périple. Enjouée par l’idée, M. m’avait donné son contact.

Un coup de fil et quatre jours plus tard, je me retrouvai donc à sonner à la porte d’un élégant immeuble dans le Vieux Lyon. C’est lui qui m’ouvrit directement.

Je me vis offrir un café, installée dans un confortable canapé, et nous commençâmes rapidement notre entretien. Je l’avoue, j’étais avide de découvrir quel personnage j’avais en face de moi.

Le projet d’un passionné des hommes et des hauteurs

Psychologue thérapeute et coach depuis de nombreuses années, Pierre-Marie fait partie de ceux qui ont toujours un éclat vif au fond des yeux. Au cours de sa carrière, il a été amené à traiter pléthore de nouveaux sujets liés à l’évolution de notre société actuelle, comme l’éco-anxiété ou l’accompagnement de la transition écologique.

Cependant, au-delà d’un esprit aiguisé par les problématiques de notre temps, c’est surtout son amour des montagnes qui le pousse au dehors. En effet, savoyard d’origine, Pierre-Marie a toujours eu l’alpinisme dans le sang. Pour vous dire, il a déjà fait le Mont-Blanc trois fois, dont une en parapente.

L’idée de ce trek en Himalaya lui est venue lorsqu’un de ses vieux amis lui a annoncé qu’il souhaitait tenter l’expérience. Disposant d’un peu de temps à l’automne, Pierre-Marie saute sur l’occasion pour le rejoindre.

  • Programme : 3 semaines de randonnée à très haute altitude.
  • Altitude maximum du circuit : 5 420 m.
  • Températures prévues : Jusqu’à – 15° C.
  • Prérequis : Dossier prouvant une expérience sportive déjà significative.
  • Départ : le 6 Novembre 2022, de l’aéroport Paris Charles de Gaulle.
  • Temps de trajet jusqu’à destination : environ 24 h.
  • Coût : Entre 4 000 et 5 000 euros.

…À ce stade j’aurais sûrement annulé mon inscription fissa pour bingewatcher une série sur Netflix.

Mais Pierre-Marie est un a-ven-tu-rier.

Il a retroussé ses manches et a notamment acheté un duvet spécial « grand froid », une longue liste de médicaments ainsi que les deux paires de chaussures demandées par l’organisme chargé de l’expédition. Cependant, il s’est vite retrouvé face à la première difficulté de son voyage alors qu’il n’avait même pas décollé : le poids du matériel. En effet, impossible d’emmener dans le petit avion final un bagage au-delà de 13 kilos. Adieu le confort, bonjour la praticité. Fort heureusement, la nourriture quotidienne était déjà prévue par les guides sur place.

Sur la ligne du départ

C’est le jour J, Pierre-Marie est dans l’avion direction Katmandou.

Une escale à Istanbul coupe le long trajet en deux. Arrivé à la capitale du Népal, il remonte dans un petit coucou qui s’envole vers l’aéroport le plus dangereux du monde : Tenzing-Hillary, à côté de la ville de Lukia. Ce titre funeste lui a été décerné au vu de sa piste d’atterrissage extrêmement courte et pentue, terminée par un bon gros mur de pierre. La marge d’erreur est quasiment nulle et les pilotes ont très peu de place pour manœuvrer. Notre alpiniste cède alors à l’inquiétude (et on ne lui en voudra pas), d’autant plus que le vol est sujet à de fortes secousses. Très rassurant.

Extrait du journal de bord de Pierre-Marie :

« Nous partons ce matin pour un petit aéroport en fond de vallée pour décoller pour le village de montagne de Lukla. Son aéroport est connu comme le plus dangereux du monde ! Après un vol rapide et spectaculaire entre les montagnes nous nous posons sans dommage ! La piste d’atterrissage est effectivement si raide et si courte que nous avons eu l’impression que l’avion allait s’écraser à l’atterrissage. Ouf ! »

Lui et son ami arrivent néanmoins en un seul morceau. Le dépaysement est immédiat.

Que ce soient les yaks, les temples ou les porteurs chargés d’énormes cargaisons, pas de doutes : le Vieux-Lyon est déjà loin. L’ambiance est internationale : Lukla étant la porte d’entrée sur l’Himalaya, le monde entier s’y donne rendez-vous. Mais Pierre-Marie n’a pas le temps de flâner dans ce melting pot à 2 845 m d’altitude. On lui offre une écharpe blanche pour le bon présage, puis le groupe se met en marche et le trek commence.

De Lukla à Namche Bazar

Le soleil est au rendez-vous pour le départ et la température est supérieure à 15° C. Pas mal pour un mois de Novembre à l’autre bout du monde !

Le cortège se compose de 3 guides, 10 participants dont Pierre-Marie et son ami et 6 porteurs. Direction Namche Bazar, la capitale des sherpas trônant à 3 440 m.

En dessous de 4 000 m, les sentiers sont plutôt larges et des poutres sont placées le long des chemins pour soulager un peu les porteurs de leur poids. Aidés par une sangle sur la tête, leur incroyable force leur permet cependant de porter jusqu’à 80 kilos de matériaux, de vivres ou les affaires de plusieurs participants. En comparaison, le sac de Pierre-Marie ne pèse que 8 kilos.

En basse vallée, les escaliers taillés dans le rocher et les passerelles suspendues s’enchaînent au détour d’un chemin parfois pavé.

L’Himalaya : le rendez-vous des trekkeurs du monde entier

Au départ, la piste est très fréquentée. Pierre-Marie et son ami croisent de nombreux groupes similaires au leur, toujours accompagnés de porteurs maintenant une vive allure. Les cohortes de yaks et de mules sont également de la partie, tout aussi lourdement chargés.

À ce stade, le danger ne vient pas encore de l’altitude, mais des yaks (parfois sauvages) croisés en sens inverse sur le chemin : les trekkeurs ont reçu l’instruction de se plaquer contre la montagne lorsque la situation se présente afin que les bovins ne les poussent pas nonchalamment dans le vide.

Jalonnant le parcours, des lodges s’ouvrent aux randonneurs fatigués afin qu’ils se reposent un peu après leurs 7 à 8 h de marche, avant de reprendre leur route vers les plus hauts sommets du monde.

Extrait du journal de bord de Pierre-Marie :

« Le chemin traverse plusieurs hameaux avec des auberges (Lodges) dédiées aux randonneurs. Toute l’économie dans les hautes vallées semble organisée autour de l’hébergement des treks du monde entier. C’est un peu « l’autoroute pédestre » qui conduit en direction des vallées de l’Everest.

C’est un parcours charmant et oxygénant, avec parfois des ponts suspendus impressionnants. »

Au fil des bornes, Pierre-Marie discute principalement avec les guides. L’anglais rudimentaire des sherpas ne leur permettent pas toujours d’avoir une très longue conversation. Il découvre cependant des individus amoureux de la rudesse de leurs montagnes, optimistes et très ouverts. Une surprenante sérénité malgré la rudesse de la vie en altitude se retrouve dans dans leurs regards, à la fois joyeux et paisibles.  

La vie spirituelle autour des « géants du monde »

Au milieu des sommets qui se perdent dans les nuages, Pierre-Marie croise aussi une multitude de sanctuaires bouddhistes et leurs moulins à prière. En effet, bien que le Népal soit sous influence hindoue, la région de l’Everest est plutôt imprégnée par les croyances du bouddhisme tibétain.

La règle face à ces petits temples est limpide : il faut toujours les contourner par la gauche, sans oublier de faire tourner les moulins au passage.

Les ravins, quant à eux, s’ornent parfois de guirlandes de drapeaux de prières, toutes aux cinq couleurs du bouddhisme :

  • Blanc pour l’air et le vent
  • Bleu pour le ciel et l’espace
  • Rouge pour le feu
  • Vert pour l’eau
  • Jaune pour la terre

Enfin, il est fréquent de retrouver des écharpes blanches accrochées un peu partout, ainsi que des centaines de petits miroirs collés aux rochers pour remercier les divinités ou leur demander une protection particulière. 

Ces rituels plus anciens sont l’expression des croyances animistes. Elles cohabitent aujourd’hui dans la nature avec celles du bouddhisme mais aussi avec les figures contemporaines du monde de l’alpinisme. Dans la salle commune des lodges, on retrouve d’ailleurs toujours ces trois dimensions : symboles animistes et bouddhas côtoient les héros de l’Himalaya.

Namche Bazar, capitale des sherpas

Au bout de quelques jours, le groupe arrive à Namche Bazar au détour d’un col et après un pont suspendu à plus de 100 m de haut. Cette ville miniature est perchée à 3 440 m d’altitude. 

À l’instar des plongeurs en mer, les trekkeurs doivent respecter des paliers pour continuer leur épopée sans trop subir la pression des hauteurs. La halte durera ainsi 48 h.

Pierre-Marie a donc tout le loisir de s’émerveiller devant la vie florissante de la capitale des sherpas ou pour visiter les monastères environnants.

La ville fourmille. Des femmes fabriquent des nasses, les oignons rouges du marché matinal sont étendus sur un grand drap, des jeunes jouent au volley, un artisan minutieux est en train de réparer une chaussure… L’économie s’organise autour du tourisme, bien sûr, mais trouve aussi ses sources dans l’agriculture et surtout l’élevage.

Extrait du journal de bord de Pierre-Marie : 

« Avant de partir, au petit matin, je fais un petit tour au marché du village, pour y acheter […] des bananes et des petites oranges locales. Je sais que c’est le dernier endroit où je pourrais acheter des fruits frais. Ce petit marché perché au sommet du village est plein de charme. Sur une placette accrochée à la montagne, une trentaine de paysans vendent assis par terre leurs légumes et quelques fruits locaux. »

Autour de l’avenue principale colorée, les maisons semblent minuscules comparées aux impressionnantes montagnes qui bouchent l’horizon. C’est comme un rappel : les sommets de notre belle Terre ne sont pas si loin.

Namche Bazar a aussi sa propre célébrité : Pemba Doma Sherpa, première femme à avoir jamais gravi l’Everest par la face Nord. Les habitants la considèrent comme une héroïne et elle est souvent représentée dans les lodges, aux côtés de confrères comme l’alpiniste Edmund Hillary (premier conquérant du « toit du monde ») ou des personnages religieux.


Cela faisait une semaine que Pierre-Marie avait quitté notre vieux continent. Ce qu’il ne savait pas encore, c’est qu’au-delà du dépaysement lié au choc des cultures, l’Himalaya lui réservait encore bien des surprises.

En effet, le plus dur était encore à venir.

À suivre

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