Chers lecteurs VETC, voici la suite des aventures de Pierre-Marie sur les routes de l’Himalaya. Après un début de périple enchanteur jusqu’à Namche Bazar, la capitale du peuple Sherpa, notre explorateur en herbe va bien vite se rendre compte que la magie des neiges éternelles cache aussi un ennemi redoutable…
De Namche Bazar à Moho
Au sixième jour de l’expédition, Pierre-Marie se remet en marche, direction l’un des plus hauts villages du monde : Moho, 4 000 m.
Sur sa route, il découvre notamment Beyul Khumbu, la vallée secrète des sherpas au cœur du parc national de Sagarmatha, ainsi que son inspirante charte :
« Refrain from taking life
Refrain from anger
Refrain jealousy
Refrain from offending others
Refrain from taking excessive intoxicants » (1)
Dans les hauteurs, la température du soir chute rapidement mais la motivation de Pierre-Marie reste intacte malgré les nuits parfois difficiles. En effet, les lodges ne chauffent que la salle principale et les randonneurs dorment donc dans des pièces en dessous de 0° C. Autant vous dire que notre aventurier a tenté une fois l’expérience d’une douche, pas deux !
Le péril de l’altitude
Au-delà du froid, le plus grand ennemi des randonneurs de haute altitude porte un nom qui ressemble à celui d’un boys band des années 90.
C’est le « M.A.M. », ou Mal Aigu des Montagnes.
Pouvant causer la mort s’il n’est pas traité à temps, il donne des symptômes semblables à ceux d’une ivresse : nausées, vomissements, insomnie, troubles de l’équilibre… Il traduit une acclimatation incomplète à l’altitude par manque d’oxygène (hypoxie), et sous sa forme la plus sévère, conduit à une fatigue générale proche de l’inconscience. C’est lui qui donne le funeste surnom de « zone de la mort » aux plus hauts sentiers vers l’Everest.
Pas étonnant, donc, que les guides soient sur leurs gardes.
Reliés 24h/24 à un centre médical en Suisse, ils prennent quotidiennement le pouls des trekkeurs et leur taux d’oxygène dans le sang. Au moindre signe inquiétant, le participant est mis dans un caisson dit « Hyperbare », qui remonte la pression de son organisme. De plus, il est fortement conseillé de prendre une assurance avant l’aventure himalayenne, afin de pouvoir bénéficier d’un service d’hélicoptères d’urgence.
Cerise sur le gâteau, le MAM est aussi la raison pour laquelle aucun randonneur ne doit dormir seul : il cause de redoutables apnées du sommeil.
Ce compagnon pour le moins indésirable rejoint donc le groupe de Pierre-Marie. Merci la relation toxique !
Le village Moho
Le sentier serpente entre les magnifiques sommets, et au détour d’un flanc de montagne, notre aventurier aperçoit pour la première fois celui de l’Everest. Le toit du monde n’a jamais été aussi proche…
Au bout de plusieurs d’heures d’effort, son groupe et lui arrivent au village Moho. Pierre-Marie est étonné de trouver des habitations perchées à cette altitude. Il se réchauffe bien vite autour d’un bon repas népalais à base de riz, de légumes et de lentilles (le Dal Bhat). Mais attention, ces plats peuvent parfois cacher une surprise épicée : pensant goûter du pesto, Pierre-Marie a une fois pris une bonne dose de sauce verte pimentée. Autant vous dire que cette nuit là, il n’a pas eu froid au palais !
La soirée au village Moho se conclut par une jolie rencontre. Une petite fille lui offre une fleur en papier rose et accepte qu’il immortalise son sourire en photo.
Le lendemain, en route pour le village de Dhole (4 200 m) et les plus hauts sentiers du pied de l’Everest.
Extrait du journal de bord de Pierre-Marie :
« Départ à huit heures le long de la rivière. Il fait beaucoup plus froid et nous croisons plusieurs cascades gelées. Le sentier emprunte parfois dans les falaises de magnifiques escaliers, avec des vues impressionnantes et de magnifiques temples bouddhistes. »
Autour des lacs Gokyo
Le temps est venu de parcourir les sentiers les plus hauts du circuit, au pied de l’Everest. L’altitude se fait de plus en plus sentir. Le dénivelé est de plus en plus rude et l’eau minérale devient de plus en plus chère. Pierre-Marie tourne au thé.
Le chemin conduira le groupe à un dernier village au pied des lacs Gokyo. Ce dernier se compose seulement de quelques maisons en pierre et de deux lodges. Trônant à 4 700 m, le lieu devient inaccessible en hiver à cause du froid intense et de la neige.
D’une transparence irréelle, les lacs sont entourés de cairns et reflètent l’Everest en arrière-plan. Le paysage devient l’écrin de la puissance des montagnes. La beauté des vallées cède sa place à l’immensité.
Le groupe doit parfois chausser les crampons pour passer les plus hauts cols ou traverser le glacier qui descend du plus haut sommet du monde. Recouverte de cailloux, la glace est grise sous le ciel azur.
Les randonneurs dépassent parfois les 5 000 m d’altitude. Depuis Moho, le MAM a frappé 3 personnes de l’équipe. Elles seront évacuées l’une après l’autre malgré un séjour dans le caisson Hyperbare. L’ami de Pierre-Marie en fait partie et notre aventurier doit continuer sans lui. Il perd lui aussi de l’appétit et lutte comme il peut pour récupérer un peu d’énergie le soir malgré les nuits difficiles.
Extrait du journal de bord de Pierre-Marie :
« Un des équipiers est en difficulté. Il a de plus en plus de mal à respirer et à progresser. Un porteur l’accompagne à son rythme. Il va faire demi-tour et devoir en fin de journée être évacué par hélicoptère. »
Dans l’un des lodges ou le groupe s’arrête pour déjeuner, Pierre-Marie croise un groupe de femmes sherpas se rendant à un monastère. Leurs écharpes immaculées tombent sur leurs tenues aux couleurs vives. Après quelques sympathiques échanges, elles acceptent d’interpréter un chant traditionnel Sherpa devant les trekkeurs, et feront ainsi disparaître quelques instants le poids des hauteurs
Le lendemain, Pierre-Marie reprend inlassablement la route. Il rêve de plus en plus d’un grand bol d’air en basse altitude. Le camp de base de l’Everest n’est pas loin.
Au bout de plusieurs jours, ce qui reste du groupe atteint enfin le point culminant de leur parcours : le col du Cho La à 5 420 m.
Retour à la réalité
Après avoir quasiment atteint ses limites à cause du MAM, l’équipée réduite à six commence la dernière partie de la boucle. Le vertige et les nausées disparaissent à mesure que l’altitude baisse et les trekkeurs retrouvent des chemins plus agréables. La température remonte un peu. Tout le monde reprend des forces au fil des villages dans des paysages toujours aussi magiques : Lobuche, Dingboche et Tengboche. Plus de cinq jours de marche avec des cols et de très longues descentes. C’est douloureux pour les jambes !
Pierre-Marie a aussi besoin de plus de solitude. Le groupe lui pèse; pas possible de s’arrêter pour méditer ! Il décide alors de se désolidariser, préférant descendre seul avec un porteur par un autre itinéraire. Il pourra aussi disposer de plus de temps au retour pour visiter la ville de Katmandou.
Un soir, dans un lodge, il discute avec le propriétaire : du haut de ses 50 ans, ce dernier a déjà fait l’Himalaya 6 fois. Il est notamment curieux de savoir si la France possède des montagnes avec la même majesté. Heureux de pouvoir partager l’amour qu’il porte à sa région d’origine, Pierre-Marie lui parle de la Savoie.
Arrivé à Katmandou, il découvre une grande ville asiatique moderne et polluée avec beaucoup trop d’embouteillages. Quelques temples détonnent cependant dans cette forêt de béton. Ils ont été reconstruits grâce à l’UNESCO après le tremblement de terre en 2015. Notre aventurier achète des écharpes en cachemire pour ses filles, des objets en laine confectionnés par les sherpas, du sel de l’Himalaya et des vêtements de montagne.
Aux portes de l’avion qui le ramènera en France, il met également dans sa valise l’écharpe blanche qu’on lui a offerte au départ, environ 20 jours plus tôt.
Et maintenant ?
Au final, malgré les difficultés liées à l’altitude et à l’effort physique, Pierre-Marie aura été émerveillé devant la majesté propre à ce lieu iconique aussi surnommé « demeure des neiges éternelles ».
Il retiendra aussi l’extraordinaire culture et le courage du peuple Sherpa, entre humilité et spiritualité. Il m’a dit être transformé par son périple, voulant s’inspirer de la gentillesse et de la bienveillance exemplaire des sherpas, sans oublier leur connexion à la nature.
Se détournant de l’Everest pour son côté trop fréquenté, Pierre-Marie m’a confié avoir déjà une idée pour sa prochaine aventure. Il a un grand besoin de liberté. Cette fois-ci, il partira seul ou en organisant lui-même son groupe. Pourquoi pas un périple à ski en Islande ou au Groenland ?
Grâce à sa passion et son enthousiasme, Pierre-Marie m’a emmenée avec lui dans ses souvenirs presque aussi clairement que si j’avais pris part à l’expédition. Mon café froid et mes yeux ébahis pendant notre entretien en sont témoins !
J’aurai toujours beaucoup de respect pour les aventuriers modernes de notre monde. Ceux qui n’auront de cesse de vouloir s’émerveiller devant les beautés de la nature ou les endroits remarquables, mais plus encore, ceux qui auront à cœur de partager leur expérience.
Si vous êtes comme moi, alors je crois que vous êtes au bon endroit.
Qui sera le prochain aventurier ou la prochaine aventurière de VETC ?
Geneviève
(1) En français :
« Abstenez vous de prendre la vie
Réfrénez votre colère
Réfrénez votre jalousie
Abstenez vous d’offenser les autres
Abstenez vous de toute consommation excessive de produits stupéfiants »
Petit plus :
Passionnés d’écologie, de bien-être et de montagne, Pierre-Marie et sa femme tiennent aussi un gîte dans les Bauges depuis 2015.
Ils y proposent notamment des stages et des séminaires en pleine nature autour de thématiques ressourçantes comme le yoga ou la méditation.
De quoi décrocher un peu en respirant à pleins poumons l’air des Alpes, et dieu sait que je les aime ! 😊