Rubrique Arbres Remarquables

Le chêne de la Méhalée : gardien de Mordelles

Aurore vous emmène à la rencontre du chêne de la Méhalée à Mordelles (35), arbre remarquable qui nous révèle ses secrets de longévité...
Le chêne de la Méhalée - HeyTon’s
Illustration de HeyTon’s
Rubrique Arbres Remarquables

Le chêne de la Méhalée : gardien de Mordelles

Aurore vous emmène à la rencontre du chêne de la Méhalée à Mordelles (35), arbre remarquable qui nous révèle ses secrets de longévité...
Le chêne de la Méhalée - HeyTon’s
Illustration de HeyTon’s

par Aurore Blanc

Il n’a pas trouvé mieux
Que son lopin de terre
Que son vieil arbre tordu au milieu

F. Cabrel, « Les murs de poussière »

Je ris de penser si spontanément, au moment de reprendre ma plume (numérique), à cette chanson de Cabrel que mes parents écoutaient souvent quand j’étais petite. C’est vrai quoi : avec Voyage en Terres Contées, on passe notre temps à arpenter la Bretagne, la France, le monde, à la recherche de lieux extraordinaires dont on pourrait parler sur notre blog. Et je n’avais même pas songé à me renseigner au sujet des trésors de ma ville d’adoption : j’ai nommé Mordelles, ses étangs, son parc, ses halles, ses petits commerces, sa vie associative foisonnante… Et son chêne ancestral dont j’ai justement entendu parler auprès des membres de l’association Mordelles en Transitions.

Depuis quelques temps, je me suis prise de passion pour ce qu’on appelle les arbres remarquables. Je me suis offert le formidable livre de Yannick Morhan et Guy Bernard1 qui répertorie ces géants dans ma région. Alors, quelle ne fut pas ma surprise quand j’y découvris un encart consacré au chêne de la Méhalée, situé à quelques minutes en voiture de notre petite ferme mordelaise ! On ne pouvait pas manquer cette occasion !

Plongée au coeur de nos campagnes

Oser pour découvrir

Par un beau jour de mai 2022, j’ai convaincu sans trop de peine notre fidèle équipe d’aller lui rendre une petite visite improvisée. Ayant constaté que l’ancêtre se trouvait sur un terrain privé, j’ai saisi mon téléphone et passé quelques appels de politesse pour obtenir plus de renseignements. J’ai toujours peur de déranger, alors débarquer chez quelqu’un pour photographier un arbre dans son jardin, ça me semblait bien au-delà de mes capacités (on peut être exploratrice ET polie!). Je n’ai eu personne en ligne. Bon. On ne risquait pas grand-chose à aller jeter un coup d’œil. Et au pire, si le terrain était clos, on pourrait toujours rentrer boire un rafraîchissement à la maison !

La ferme de la Méhalée

Après avoir serpenté quelques minutes sur les petites routes de campagne typiques du coin, nous garons la voiture en bordure d’un chemin de terre qui s’ouvre sur un beau jardin. Il y a quelques clôtures, mais pas de barrière ni de portail. Au bord d’une cour parsemée de graviers clairs trône un vieux corps de ferme magnifiquement restauré. Nous apprendrons par la suite qu’il servait à loger les ouvriers agricoles du domaine de la ville du Bois, appartenant à la famille Farcy. Un puits se dresse en son centre. Ont dit que sur la commune de Mordelles, le puits de la Méhalée ne tarit jamais et qu’il pouvait autrefois alimenter tout le village. Partout, des buissons floraux égayent l’atmosphère de ce petit coin de paradis.

Rencontre avec le chêne et ses gardiens

La famille Blanchet

En nous avançant un peu, nous rencontrons un homme à peine plus âgé que nous à qui nous tendons notre carte en expliquant la raison de notre venue. Il  va sur le champ chercher sa mère, propriétaire des lieux, jardinant derrière le bâtiment principal. Corinne Blanchet nous accueille avec le sourire, nous tendant une main gantée de caoutchouc, bien plantée dans ses bottes. Elle rit de notre timidité, et très vite, elle nous emmène voir l’arbre. « Quand les enfants étaient petits, ils se cachaient à l’intérieur. Il y fait jour comme dans une cathédrale ! », nous confie-t-elle, amusée.

Rencontre avec le chêne

Il est moins haut que nous ne l’avions imaginé, comme c’est souvent le cas pour les très vieux chênes qui s’épaississent et perdent leur ramure centrale. Mais sa circonférence (8,40 mètres!) nous impressionne. Les spécialistes estiment son âge à 700 ans au maximum, ce qui en fait l’un des plus gros et des plus anciens arbres du département d’Ille-et-Vilaine. Corinne pose des mots très justes sur notre ressenti : « Dans le chêne, il y a quelques chose de puissant et majestueux, mais qui protège sans écraser. On a l’impression qu’il étend ses bras comme un bon père de famille. » 

Une histoire par toujours rose

Une vie paisible

Très solennels, nous en faisons le tour en silence, comme si on avait peur de déranger un vieux pêcheur assoupi, les pieds trempant dans un petit étang bordé de fleurs de toutes sortes. Contrairement à certains de ses éminents confrères, comme le chêne à Guillottin à Brocéliande, celui de la Méhalée continue tranquillement de vivre sa vie sans être trop embêté par les visiteurs . Ici, pas de plancher de bois censé le protéger qui pourrait l’empêcher de vieillir correctement . Corinne est formelle : son chêne a beau avoir au minimum 500 ans, il continue de vivre sa vie d’arbre en toute quiétude. 

Enfin… Pas tous les jours. 

Foudre et intempéries

Elle nous explique qu’il a déjà été frappé une fois par la foudre au début du 20ème siècle. Puis, en octobre 2021, une tempête qui secoue la région l’endommage grandement 2. La famille Blanchet, qui vit là depuis 45 ans, fait alors appel à l’association de protection des arbres remarquables. Yannick Morhan3 accourt, car il s’agit d’une urgence : le vieux chêne pédonculé entièrement creux menace de s’ouvrir en deux. Comment sauver le vénérable qui trône là depuis des siècles? Yannick décide de le soutenir au moyen de haubans et de cannes. « C’est comme une personne âgée, nous confie Corinne, il se serait laissé aller avec des moyens plus artificiels. » Certaines de ses branches ont donc été coupées avec art, sans que cela n’altère sa magnificence.  « La partie fendue est morte, mais ses troncs secondaires le font vivre, il reverdit et est en pleine forme ! »

Soutenir l’Ancien

A présent discrètement maintenu par quelques sangles spécialement conçues pour résister aux intempéries, le chêne est sain et sauf. La proximité de la petite mare de la Méhalée peut aussi expliquer sa longévité, malgré les périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes. Dans cet écrin paisible où plus personne ne se gare pour ne pas risquer de remuer ses racines, selon les recommandations de ses « médecins », le chêne de la Méhalée a encore de belles années devant lui.

Laisser vivre l’ancêtre

Nous sommes émus d’entendre Corinne Blanchet parler de lui comme d’un membre de sa famille dont elle serait responsable et devrait prendre soin. Ce genre de rencontres vaut toutes les sensibilisations du monde. C’est en apprenant à considérer les arbres comme des êtres vivants à part entière, comme des éléments incontournables d’un système naturel générateur de beau et de bien, que nous pouvons les aimer au point d’investir autant de temps et de soin dans leur protection. 

Après nous avoir laissés un temps assis dans l’herbe au pied de l’arbre, elle nous raccompagne à notre voiture en concluant avec philosophie : « Il faut le laisser vivre. Il est assez grand pour se protéger tout seul. On est contents de le voir, mais on le laisse tranquille, car pour nous, c’est avant tout le gardien silencieux du lieu où nous avons choisi de vivre. »

En rentrant chez nous, je ne regarde plus du même œil l’immense chêne planté derrière les granges un peu à l’extérieur de notre terrain. Lui aussi a perdu des branches porteuses dans la tempête de 2021, nous en avons eu les larmes aux yeux. Quel âge peut-il avoir ? 200, 300 ans? Que nous raconterait-il, s’il pouvait parler ? Nul doute que je continuerai encore longtemps à aller me blottir dans la fraîcheur de ses racines pour écouter ses ramures me chuchoter des secrets, les nuits de pleine lune. 


Informations complémentaires :

1- A lire : Arbres remarquables d’Ille-et-Vilaine, Yannick Morhan et Guy Bernard

2- Article de Ouest France sur le sauvetage du chêne en 2021 : https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/l-incroyable-histoire-du-chene-de-mehalee-600-ans-l-un-des-plus-remarquables-d-ille-et-vilaine-2bd11eda-d67d-11eb-b1dc-a73451ceafbf

3- Yannick Morhan, élagueur-grimpeur de métier, est aussi membre de l’association A.R.B.R.E.S. qui répertorie et protège les arbres remarquables de France. Il a co-écrit plusieurs ouvrages sur les arbres remarquables de Bretagne et du Grand Ouest.


* Localisation :  Méhalé, Mordelles (35):  Propriété privée: contacter les propriétaires pour toute visite.

* Circuits de balades à la rencontre des arbres remarquables de Rennes : https://www.ouest-france.fr/bretagne/rennes-35000/carte-suivez-les-traces-des-plus-incroyables-arbres-de-rennes-et-des-alentours-622de910-de5a-11eb-9bd1-ace01374a160 

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