par Aurore Blanc
Au cours d’une virée dans le Morbihan, nous avons entendu parler entre autres arbres remarquables et chapelles d’un lieu pour le moins insolite où nous avons d’abord été attirés par pure curiosité. Il faut dire qu’un temple bouddhiste ce n’est pas courant dans nos contrées ! Les photos présentées dans nos guides nous faisaient déjà rêver. Alors nous avons pris la route à bord de notre fidèle petit camion rouge, direction Plouray. Après avoir traversé un joli bois typiquement breton avec ses feuillages verdoyants dans la lumière du milieu de journée, nous avons suivi les panneaux rouges ouvragés couverts de caractères tibétains qui nous indiquaient le chemin du Stupa. Le terme désigne un bâtiment dont la fonction est de commémorer la mort du Bouddha.
Après quelques minutes de route depuis la sortie de la ville, nous voici donc sur le parking ombragé du centre bouddhique de Plouray, siège européen de la lignée de Drukpa. Ces termes désignent une école bouddhique fondée au XIIe siècle dont le siège principal se trouve en Inde, à Darjeeling. Le lieu, qui accueille aujourd’hui le centre morbihannais, vaste plaine entretenue avec soin où poussent ça et là de jolis bosquets fleuris, a permis à une communauté de s’y regrouper et de commencer à y vivre avant même la construction du temple en 1997. Sa Sainteté Gyalwang Drukpa est venue en personne en France pour inaugurer et bénir le centre en 1986. Reconnu comme centre religieux en 2004, le lieu a même reçu en 2008 le Dalaï-Lama en personne. Aujourd’hui, des formations et des rencontres y sont organisées, dédiées à l’étude et à la pratique du bouddhisme tibétain.
L’impression de sérénité qui se dégage de l’endroit est incroyable. Je suis toujours impressionnée par la manière dont l’aura de certains lieux impose dès qu’on les aperçoit une forme de respect. C’est le cas du Stupa de Plouray. On voit bien vite sa flèche dorée percer au-dessus des haies, et ses couleurs vives réchauffent le cœur avant même de pénétrer dans son enceinte. Le Stupa est entouré d’un bas muret et de dalles blanches immaculées. A l’entrée, un écriteau pose l’esprit du lieu : « Le Stupa, multiples portes de bonne augure. [..] Puissent tous les êtres qui auront un contact avec cet édifice jouir du bonheur insurpassable ! Que depuis ce Stupa jusqu’aux confins de l’univers un bonheur et une paix authentique resplendissent. »
Pendant un long moment, nous restons assis dans l’herbe pour contempler la façade. De multiples symboles pleins de mystère pour nos esprits occidentaux s’offrent à nos yeux émerveillés. Deux lions imposants gardent l’escalier. Deux antilopes couchées encadrent des cercles où se mêlent plusieurs couleurs. La statue du Bouddha siège paisiblement au centre du toit, entourée de petites figures dorées en bas-reliefs sur des médailles cernées de pourpre. Deux dragons (que désignent d’ailleurs le terme Drukpa) l’encadrent, leurs langues dardant vers un feu en or. A la racine de la flèche, les yeux de l’éveil. Et tout en haut, un croissant de lune encerclant un nouveau disque d’or. Dit comme cela, l’architecture pourrait sembler lourde et fastueuse. Pourtant, les motifs sont relativement espacés, sur un fond blanc orné de simples fleurs multicolores. Nous observons les quelques visiteurs qui marchent autour du temple, en faisant plusieurs tours dans le sens des aiguilles d’une montre. Une dame y marche même paisiblement avec son petit chien qui la suit docilement. Curieux, nous nous avançons et pénétrons dans l’enceinte.
Une des bouddhistes pratiquantes interrompt sa marche devant notre air étonné et nous explique que le fait de faire le tour du bâtiment en posant une intention, en formulant une demande ou en faisant juste une prière, génère une énergie particulière, surtout si plusieurs personnes le font en même temps. Nous ne sommes pas surpris de retrouver cette importance accordée au cercle dont la symbolique a une grande puissance dans de nombreuses cultures et religions. Nous lui demandons alors comment formuler une intention ou une demande. Amusée, elle nous répond : « Nous ne sommes pas là pour agir réellement sur le cours de choses. Le divin est simplement en chacun de nous, et suivre sa voie nous aide à le trouver. C’est juste qu’on ne nous l’a jamais dit. »
Il y a quelques années, ce genre de discours m’aurait paru bien obscur, et m’aurait peut-être même un peu effrayée. Mais à ce moment-là, je comprends parfaitement ce que cette femme veut nous dire en parlant de l’arc-en-ciel qui rayonne en nous. Elle nous fait signe de gravir les quelques marches et de laisser nos chaussures sur le perron. Alors, nous entrons dans le Stupa. Nous sommes seuls. L’air est chargé d’encens et une lumière vive entre par les grandes fenêtres. La petite pièce est vide. Nous nous asseyons sur l’épais tapis devant l’imposant autel peuplé de figures qui nous sont inconnues. Je n’ai aucune idée de qui sont les êtres représentés : ni la statue centrale, ni les deux qui l’encadrent, ni les treize figures plus petites qui dessinent une arche autour d’elle. Mais je me sens subjuguée tant par leurs postures que par leurs couleurs. Certaines pourraient paraître effrayantes avec leurs gueules pleines de grandes dents. Mais contrairement à l’époque où je lisais avec effroi Tintin au Tibet, je ne ressens aucune crainte. Juste un amour immense. Tellement immense que j’entre presque immédiatement en état méditatif et que je reste là, avec l’impression de flotter entre deux mondes. L’émotion est telle que je ne peux pas rester longtemps dans le Stupa. Je ressors vite attendre mon compagnon de route à l’extérieur, et je m’assois pour regarder les gens qui continuent de marcher autour. Cela m’apaise profondément.
Je regarde le jardin : la cheminée extérieure où brûlent des encens, le grand moulin à prière de plusieurs mètres de haut où sont gravés des mantras que je ne comprends pas et qui contiendrait 50 kilomètres de prières sur du parchemin. Et pourtant, aujourd’hui, j’ai bien l’impression de comprendre quelque chose. Quelque chose de profond, d’immense, d’inattendu. Je sais maintenant qu’il existe quelque part un chemin arc-en-ciel, un chemin invisible et que pourtant je connais depuis un moment, par intuition. Je ne sais pas où il me mènera, ni si je le trouverai vraiment. Mais qu’importe. Comme nous nous le rappelons à chacune de nos excursions pour Voyages en Terres Contées, l’important n’est-il pas surtout de chercher ?
– – – – – – – – – – – – –
Accès : suivre depuis Plouray (Morbihan) les panneaux indiquant le « Centre bouddhique européen ». Parking et accès au temple libre et gratuit
Horaires : Centre, accueil et boutique dans la belle longère rénovée : ouverts de 14h30 à 17h30
Activités proposées : qi gong, langue tibétaine, conférences, contes pour enfants, ateliers jardinage…
Site officiel : https://www.drukpa.eu/fr/
Retrouvez le travail d’Antonin alias Heyton’ Studio sur son Instagram !