Par Aurore Blanc
A l’Est de l’Islande, le temps est encore plus changeant que sur le reste de l’île aux volcans. Le jeudi 8 août 2019, nos deux voyageuses passent tant bien que mal entre les gouttes et atteignent le minuscule village de Djùpivogur, mentionné par les guides touristiques pour les 34 énormes œufs de pierre bordant le petit port local. Leur guide de voyage leur apprend qu’ils ont été taillés et polis par un artiste originaire du village. Chaque œuf représente quelques unes des très nombreuses espèces d’oiseaux qui peuplent l’île tout au long de l’année. Retrouvant soudain leur âme d’enfant, les deux jeunes femmes s’amusent à grimper et à s’asseoir sur la pierre lisse et brillante, puis à glisser de l’autre côté. Mais quelques photos plus tard, elles se lassent et décident d’aller se promener un peu plus loin. En Islande, à part dans quelques grandes villes comme Reikjavik et Akureyri, on ne peut pas vraiment flâner dans les rues… Pour la simple et bonne raison qu’il n’y a pas de rues ! Alors elles suivent la route et se dirigent spontanément vers une jolie maison aux murs rouge foncé.
Assez rapidement, et même de loin, elles comprennent que ce n’est pas une maison comme les autres. Un totem indien se dresse dans la cour principale. Le portail est bordé de deux grands squelettes de cétacés, et le jardin qui s’étend en terrasse sur plusieurs niveaux offre un spectacle des plus surprenants. En lieu et place des traditionnels et si kitsch nains de jardins de chez nous, de multiples statuettes de bois côtoient de petites constructions de pierre qui semblent pousser naturellement entre les marguerites et les pissenlits.
Un écriteau invite les passants à entrer librement dans la « galerie d’art Freevilli : os, bâtons, fossiles et pierres ». Sans aucune hésitation, fascinées par l’aura étrangement festive qui émane du lieu pourtant jonché d’ossements, les deux amies pénètrent dans l’antre d’un de ces « artistes fous » qu’elles chérissent tant. Peu à peu, elles en apprennent plus sur le curieux énergumène propriétaire des lieux. Au fil de ses longues marches le long de l’océan, Villi ramasse les belles pierres et les os des animaux échoués pour en orner son jardin. Ses trouvailles s’entassent dans un désordre magnifique, du sous-sol (où il a installé son atelier) à la véranda de l’étage. L’endroit, à la croisée du monde du facteur Cheval et des cabinets de curiosité d’antan, foisonne de cristaux merveilleux. Ici sont alignées des coupes de pierre basaltique aux couleurs chatoyantes. Là, des vitrines renferment les crânes et os de dizaines de petits animaux. Dans une dépendance au fond du jardin, elles découvrent un authentique musée sur la faune locale, peuplé d’oiseaux empaillés et d’étranges poissons. Le collectionneur a aussi amassé quelques trouvailles exotiques, comme des crânes d’antilopes ou de buffles. Au plafond de la véranda, ce sont des squelettes entiers de marsouins et même des crânes d’orques qui semblent nager en silence dans l’air estival. A leur pied, quelques masques africains semblent s’être perdus bien loin de leur terre d’origine.
Dans son atelier, l’artiste est facilement reconnaissable. Sous sa casquette ornée de deux ailes empaillées qui lui donnent un curieux air d’Astérix, ils sculpte de petites vertèbres pour en faire des pendentifs et des porte-clés à l’attention des touristes. Les deux voyageuses n’en finissent pas de se délecter de ces trésors qui n’ont, curieusement, rien de mortifère. C’est amusant comme parfois, les éléments que nous associons spontanément à la mort semblent faire rejaillir la vie quand on s’y attend le moins.
En sortant de la maison rouge, elles escaladent une petite colline et s’assoient parmi les quelques statuettes qui ont débordé du jardin. Et elles regardent un rayon de soleil percer sur la mer, peinant à réaliser qu’elle sont bien là, au cœur de cette Islande dont elles rêvent depuis si longtemps et qui n’a pas fini de les surprendre.
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Adresse : vikurland7, 765 Djúpivogur, Sudur-Mulasysla, Iceland
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