Par Aurore Blanc
En février 2018, à l’occasion du mariage de ma cousine Alice, une partie de ma famille s’est rendue au Burkina Faso pendant une dizaine de jours. Après les festivités à Ouagadougou, nous avons pris quelques jours pour voir un peu du pays. Quand je repense à ce séjour, c’est d’abord la chaleur qui refait surface. La chaleur suffocante qui nous a pris la gorge à peine descendus de l’avion. La chaleur et le sable rouge qui couvrait en permanence nos peaux en sueur, dessinant de petits sillons vermeils dans le creux de nos coudes et de nos genoux. Je me souviens des quelques villes que nous avons traversées, où le bitume était si rare que pour se retrouver, on se donnait rendez-vous au troisième ou au quatrième « goudron » après telle ou telle échoppe. Je revois aussi, le cœur en émoi, les colibris qui butinaient autour de la table de nos petits-déjeuners.
Mais ce que j’ai envie de partager avec vous aujourd’hui, c’est un souvenir bien particulier de mon passage à Bobo-Dioulasso, la capitale de la musique, située à l’ouest du pays. Un souvenir qui n’a rien de spectaculaire, mais dont les sensations m’habitent toujours avec beaucoup de force. Je m’en suis rendue compte parce que depuis, dans les moments difficiles, c’est là que je projette mon esprit et m’apaise instantanément.
Le 6 mars 2018, nous avons sillonné la ville de Bobo, accompagnés d’un guide qui nous a fait visiter les vieux quartiers où travaillaient les forgerons et tout un tas d’artisans dont les mains agiles produisaient d’extraordinaires masques sculptés, des instruments de musique prodigieux, des bijoux et de splendides poteries. Dans mon souvenir, ces merveilles contrastent presque violemment avec le ruisseau d’une saleté repoussante qui serpentait entre les amas de plastique et les divers déchets qui ne sont pas collectés de la même manière que chez nous. J’avais conscience de n’être qu’une touriste blanche de plus, et je ne voulais pas minauder devant les bijoux en fermant les yeux sur la pauvreté manifeste du lieu. Cette prise de conscience, ajoutée à la chaleur à laquelle je ne parvenais toujours pas à m’habituer, a achevé de m’épuiser.
Alice nous a alors parlé d’un lieu nommé La Guinguette. J’ai appris plus tard que son nom lui avait été donné dans les années 40 par les soldats français qui venaient s’y reposer et retrouvaient là un semblant de bord de Seine. La Guinguette, c’est un petit coin de la rivière Kou, à une vingtaine de kilomètres à l’ouest de Bobo-Dioulasso, avec de l’herbe où s’allonger et un semblant de fraîcheur. Ça sonnait comme un coin de paradis. Et c’est comme ça que je l’ai vécu.
Là-bas, l’écosystème était très différent de ce que nous avions vu au Burkina. Presque tropical. La végétation luxuriante offrait de nombreux abris, et l’eau était d’une clarté inouïe, tiède et douce comme la fourrure d’un animal étendu au soleil. Le sable doré de son lit faisait scintiller le moindre remous. Je m’y suis plongée avec délice, et ai joué pendant de longues minutes à me laisser porter par le courant, sous le regard étonné de quelques vaches broutant sur les berges. A chaque fois que j’y ai repensé, c’est cette impression de légèreté et de quiétude profonde qui m’a envahie. J’étais là, faisant la planche, le ventre offert au soleil mordant d’un pays où presque rien ne ressemblait à ce que je connaissais. J’aurais pu éprouver cela en me laissant flotter sur n’importe quelle rivière de n’importe quel coin de France. Mais j’étais au Burkina, ma cousine venait de se marier, il faisait beau et chaud et rien d’autre n’avait d’importance.
Plusieurs fois, j’ai remonté le courant pour revenir à mon point de départ et me laisser à nouveau porter, au son des rires de ma famille en partie réunie là. Peut-être est-ce ce qui donne toute sa force à ce souvenir. Quelque part dans un coin du monde, il était une rivière.
Accès :
La Guinguette, Forêt de Kou, aux environs de Bobo-Dioulasso, route de Nasso
Burkina Faso
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3 Responses
Beau texte !
Merci pour votre soutien Joël!
Merci de m’avoir fait vivre un si joli moment de ce voyage en terre africaine.