Par Bastien Blanc
Colombie Britannique,Canada, 2021
Sombrio Beach, c’est un coup de cœur incroyable, un lieu magique entre mer et forêt luxuriante. Il s’agit d’une plage de la côte sud-ouest de l’île de Vancouver, grande langue de terre dans les eaux pacifiques de la côte ouest Canadienne. Il y a peu de touristes, qui vont plutôt à Tofino plus au nord de l’île (haut lieu du surf au Canada, puisque c’est presque le seul). J’étais d’ailleurs à Tofino lorsque j’en ai entendu parler : j’avais rencontré plusieurs surfeurs, et au fil des nuits de camping sauvage et des sessions surfs, nous étions vite devenus la bande du Five Mile Pile (le nom de notre campement). C’est l’un d’eux qui nous a dit qu’il fallait absolument aller à Sombrio Beach, que c’était incroyable et qu’on pouvait se poser là-bas quelques temps. Je me suis donc laissé entraîner par le groupe dans ce spot de surf en me disant que ce serait quand même cool de continuer à profiter avec eux car l’ambiance était super bonne, même si je m’étais fait mal en surfant.
Il faut savoir que cette plage est particulière pour le surf car il y a trois « point breaks », c’est-à-dire des cassures de vagues toujours au même endroit. C’est très rare et donc très prisé. J’ai vraiment bien fait de rester avec la team Five Mile Pile car je suis tombé amoureux de ce lieu. C’était le décor parfait pour ce « road trip movie » qui était en train de se dérouler et dont j’étais acteur. Cet endroit, très fréquenté en été par les randonneurs, se changeait en un véritable repaire de surfeurs dès que les conditions devenaient bonnes en automne. Il y avait même une famille de mexicains installée là pour des semaines, dans un tipi avec un poêle et tout ! Ils venaient tous les ans, et le petit garçon surfait déjà comme un dieu.
Tous mes potes étaient en van, ils étaient garés au parking à cinq minutes à pied de la plage. Mais moi j’ai installé mon campement au bord de l’eau, à la lisière de la forêt. Cette forêt humide était composée d’immenses cèdres et pins, avec des fougères et de la mousse partout. Il y avait une petite statue derrière mon camp: le gardien des lieux. Il n’y avait pas d’eau, pas de réseau, et pour seule infrastructure des toilettes sèches. Heureusement, on avait fait de grosses provisions : eau, bouffe, snacks, alcool, de quoi fumer (en toute légalité au Canada ), bref tout y était.
La première nuit le bruit des vagues était entêtant mais très vite ça m’a bercé et aidé à m’endormir. Et quelle sensation de plénitude que d’ouvrir ma tente le matin sur l’océan ! Quel bonheur de faire là mes étirements et de petit déjeuner sur un tronc d’arbre, dans un calme rarissime ! Il faut dire aussi que j’ai eu à peine quelques gouttes de pluie en une dizaine de jours, et qu’il faisait juste frais le matin et le soir : les conditions idéales.
Nous étions donc un groupe de copains de voyage venus surfer, chiller et faire la fête à cet endroit. Malgré ma tristesse de ne pas pouvoir surfer avec une côte endolorie, je me reposais et me contentais de petites choses. Mon quotidien consistait à méditer ou faire du yoga au lever, regarder les copains surfer et traîner avec ceux qui faisaient une pause, aller balader et nettoyer quelques déchets sur la plage ou bien faire une randonnée plus longue, faire ma lessive dans le ruisseau, partager un repas plus ou moins en commun avec les autres. J’étais dans le présent. C’était si agréable ! J’ai allumé mon téléphone deux ou trois fois seulement, pour faire des photos. Je vivais au rythme du soleil, de l’eau et de la terre : une reconnexion vraiment ressourçante après un mois de voyage en sac à dos.
Je me souviens du bruit particulier des vagues qui faisaient rouler les galets, de la brume dans les arbres, du sable sous mes pieds, de la lumière du jour perçant à travers les arbres et des couchers de soleil à couper le souffle. Un soir nous avons même vu des baleines au loin, au moment où le soleil était rouge feu.
La bande de potes vivait là comme une petite communauté, dans une atmosphère de joie, de rire, d’amitié, sans une once de tensions. Chacun faisant ce qu’il voulait sans empiéter sur l’espace des autres. Qu’est-ce qu’on a ri une fois la nuit tombée, autour du feu, à boire et fumer et faire les guignols ou à improviser un jam, à admirer la lune et les étoiles, à discuter de tout et de rien !
On a aussi vécu une journée hors du commun où nous avons vu une sorte de raz de marée de fumée déferler sur l’eau depuis la côte en face jusqu’à nous engloutir. En fait nous étions proche de l’état de Washington, où ont eu lieu d’immenses feux de forêt à cette période, en même temps qu’en Californie. Mes amis étaient en train de surfer sous acide, ils vivaient ce moment de manière décuplée ! Nous sommes restés dans cette fumée deux ou trois jours, c’était tellement étrange. Nous étions dans une brume constante, plus ou moins épaisse. Le soleil filtrait et prenait des tons inédits, des orange vifs, même en plein jour. C’était sûrement mauvais pour nos poumons, mais nous n’étions pas à ça près.
Rien ne venait troubler notre train-train de baroudeurs hippies, je me disais que c’était vraiment pas loin des 70’s. Rien ne venait troubler notre train de vie en accord avec la nature, je me sentais proche des Hippies qui avaient vécu là : en effet une communauté a investi la plage pendant plusieurs années, initialement pour éviter l’enrôlement lors de la guerre du Vietnam et vivre paisiblement. Ils ont fini par être expulsés lors de l’aménagement du parc naturel Juan de Fuca. Voilà qui ajoute une dimension historique à ce lieu, qui a dû être habité par les Natifs canadiens bien avant la colonisation du continent.
Je me souviendrai toujours de ce voyage dans le voyage, de cet état dans lequel j’étais, de ces personnes si attachantes et de ce lieu mystique. Et je n’étais pas au bout de mes surprises…
[A suivre…]


3 réponses
Merci Bastien pour ce partage, on était avec toi sur cette plage du bout du monde.
Un vrai surf trip. Avec ses aléas. Mais lorsqu’on observe les autres surfer, on est un peu avec eux… une expérience riche à une époque où cela ne semble plus possible.
Merci Bastien, j’attends la suite avec impatience et un pain de wax dans la main.